Quand la russie rêvait d’europe?
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Des documents récemment déclassifiés (2) permettent de reconstituer les discussions de l’époque et de prendre la mesure des engagements politiques occidentaux envers M. Mikhaïl Gorbatchev en échange de ses initiatives pour mettre fin à la guerre froide.
Dès son arrivée à la tête de l’Union soviétique, en 1985, M. Gorbatchev encourage les pays du pacte de Varsovie à entreprendre des réformes et renonce à la menace d’un recours à la force (lire « Quand la Russie rêvait d’Europe »).
Les habitants de la République démocratique allemande (RDA) aspirent à la prospérité de l’Ouest, et un exode menace la stabilité de la région. Le débat sur les réformes économiques devient très rapidement un débat sur l’union des deux Allemagnes, puis sur l’adhésion de l’ensemble à l’OTAN.
Le président français François Mitterrand accepte l’évolution, pourvu qu’elle se fasse dans le respect des frontières, de manière démocratique, pacifique, dans un cadre européen (3)… et que l’Allemagne approuve son projet d’union monétaire. Tous les dirigeants européens se disent avant tout soucieux de ménager M. Gorbatchev. L’administration américaine soutient le chancelier allemand, qui avance à marche forcée.
Quand la Russie rêvait d’Europe «L’OTAN ne s’étendra pas d’un pouce vers l’est» par Philippe Descamps > Septembre 2018, pages 10 et 11 / Le MONDE diplomatique «Ils nous ont menti à plusieurs reprises, ils ont pris des décisions dans notre dos, ils nous ont mis devant le fait accompli.
Peu après, la Revue de l’OTAN lui répond par un plaidoyer visant à démonter ce « mythe » et cette « prétendue promesse » : « Il n’y a jamais eu, de la part de l’Ouest, d’engagement politique ou juridiquement contraignant de ne pas élargir l’OTAN au-delà des frontières d’une Allemagne réunifiée », écrit M. Michael Rühle, chef de la section sécurité énergétique (1).
En précisant « juridiquement contraignant », il révèle le pot aux roses.
Il espérait voir son pays faire son retour au sein de la grande famille des nations européennes. À l’inverse des slavophiles qui prônent une voie spécifique. À la fin des années 1980, ce tropisme devait revêtir une portée plus générale : l’avènement d’un ordre international débarrassé de la logique des blocs.
Il est impossible de comprendre le comportement actuel de la Russie sans revenir sur l’échec de ce rêve européen. Les Russes voyaient leur avenir dans une Europe réconciliée et dotée de mécanismes de sécurité communs. En avançant jusqu’à leur porte, en Pologne et en Roumanie, en installant des radars et des systèmes anti-missiles, les Occidentaux avec l’OTAN ont pris le risque d’une réaction nationaliste.
Pire encore, nous avons créé les conditions qui ont mené à l’agression de Poutine envers l’Ukraine et au-delà envers l’OTAN. Mais que cela soit bien clair, ce n’est pas parce qu’objectivement je considère que nous avons une responsabilité que j’absous Poutine des siennes, bien au contraire.
Nous payons en quelque sorte nos inconséquences et notre soumission à une politique agressive de la part du monde anglo-saxon, qui n’est pas la nôtre.
Les implantations de missiles du « bouclier » devaient finalement se concrétiser, d’abord en Roumanie en mai 2016, puis en 2018 en Pologne. Pour y répondre, les russes déployèrent alors leur système sol-sol Iskander dans l’enclave de Kaliningrad. L’invasion du Donbass et l’annexion de la Crimée en 2014 furent un « coup de poker » minutieusement mis au point par le clan Poutine.
Ceci dit, cette blitzkrieg fut d’autant plus facile à réaliser que les Européens ont détourné les yeux et se sont bouchés les oreilles afin de « sécuriser » leurs gigantesques investissements en Russie. Devant les opinions, ils ont continué à justifier leur attentisme par un dogme vieux de deux siècles : « continuons à faire du commerce avec les russes, ils progresseront vers notre modèle libéral ».
C’est également ce qui explique que, malgré les renseignements concordants et les images satellites à profusion, les européens ne voulaient toujours pas croire à l’invasion de l’Ukraine quelques jours avant qu’elle se produise. « Il n’y a pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir » (dicton populaire).