Ces mots qu’on rêverait d’entendre t qui n’existent pas?
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En ce moment, je suis dans Gibbon, la traduction de Marie Guizot, l’édition de Michel Baridon, et parfois j’écris à Robert [Mankin] pour qu’il m’envoie la phrase anglaise. J’y « habite » depuis plus de deux ans à présent, dans ce monument. Et pourtant, maintenant, quand un livre me tombe des mains au bout de dix phrases, j’arrête, je n’ai plus le temps.
Dans tel roman de Toni Morrison, que j’enseignais en Virginie avant qu’elle ne soit « nobélisée », je ne sais plus lequel, je me rappelle pourtant une page pour avoir écrit laquelle je donnerais beaucoup ! Extraordinaire sentiment que quelqu’un vient de faire quelque chose qui n’a jamais été fait comme ça.
La traduction pour moi obéit au même commandement éthico-esthétique : tu entends ou tu n’entends pas, donc tu prends ou tu ne prends pas. En théorie critique, c’est pareil : comme je te le disais, j’ai eu la chance d’être jeune assistant et en pleine thèse au moment où la théorie critique explosait en France ; c’était impressionnant. On a tout lu.
Mais une fois que tu as absorbé tout ça, que tu y as réfléchi, que tu en prends et en laisses, que tu te retrouves devant ton texte et ta page, c’est le livre qui te guide, pas la théorie. À partir du moment où la théorie prenait le pas sur le texte, je ne marchais plus.
Et si Bachelard, sur qui il était alors de bon ton de crier au passéiste, continuait à m’enchanter, j’en parlais sans complexe.
Parfois, je peux même imaginer des choses qui n’existent pas dans la réalité, par exemple le son d’un mauvais rêve. A-t-on encore besoin de bruiteur.euse.s à une époque où l’on dispose d’énormes archives numériques composées d’une multitude de sons et de bruits ? C’est une question que j’entends souvent.
Quand dans un feuilleton radio, une épée tombe par terre et que le réalisateur ou la réalisatrice dit que le bruit doit insinuer qu’elle pourrait servir à tuer quelqu’un dans la seconde – ou suggérer qu’elle ne ferait pas de mal à une mouche, ce qui est peut-être encore plus difficile – on a alors besoin d’un bruiteur pour jeter cette épée au sol. Comment devient-on bruiteur.euse ?
La voie la plus fréquente, c’est de faire des études pour apprendre les métiers du son. De mon temps, il y a trente ans, le bruitage se transmettait uniquement dans le cadre d’une relation prof-élève. J’avais un maître dont j’ai été l’assistant pendant trois ans. Nous étions assis l’un à côté de l’autre et bossions souvent en même temps sur une séquence de film ou de pièce radiophonique.