Comment ces poèmes traduisent-il l’énergie et les rêves de l’adolescence?
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La reine Mab, la fée des rêves vous a visité cette nuit. Elle vient, toute mignonne, pas plus grosse que l’agate à l’index d’un échevin, et traînée par un attelage de petits atomes, elle vient se poser sur le nez des dormeurs.
Les rayons de ses roues sont faits de longues jambes d’araignée ; la capote est en ailes de sauterelles ; les rênes : une fine toile d’araignée ; les harnais : d’humides rayons de clair de lune ; son fouet : un os de grillon ; sa mèche : un fil de la Vierge.
Elle va sur les genoux des courtisans – et voilà qu’ils rêvent de révérences ; elle va sur les doigts des hommes de loi – et ils rêvent aussitôt d’honoraires – et sur les lèvres des dames, qui aussitôt rêvent d’un baiser – mais parfois Mab accable ces lèvres de gerçures parce que le souffle de ces dames est empesté de sucreries.
Mais parfois aussi elle vient chatouiller le nez d’un curé endormi et, aussitôt, il rêve d’évêché – ou bien elle galope sur le cou d’un soldat et le soldat rêve de gorges ennemies tranchées, de brèches, d’assauts, de lames espagnoles de rasades profondes de cinq toises, et la perfide bat du tambour à l’oreille de ce guerrier qui, réveillé en sursaut, jure une fois ou deux et se rendort.
C’est toujours Mab qui va la nuit tresser les crinières des beaux chevaux, et durcit leurs poils gluants de sueur pour faire ces nœuds magiques qu’il est si dangereux de débrouiller ; c’est elle, la sorcière, qui pèse sur les filles couchées sur le dos pour leur apprendre à endurer et à devenir des femmes de bon support ; c’est elle qui… E) Traduction de Jean-Pierre Villquin, 1982.
Quel rôle accorder, quelle place faire au mot surgi, par hasard, lapsus ou coquille et qui vit bien dans le texte tout en en changeant le cours ? Que veut dire le mot « sincérité » en poésie ? J’aime beaucoup ces questions-là qui mettent en parallèle les mots « version », « traduction », « transposition », « intrusion », « détournement ».
VOIX ET IMAGES La réécriture n’étant jamais innocente, y a-t-il des choses que vous tentez d’éviter en corrigeant vos poèmes ? NICOLE BROSSARD La réécriture est liée à l’effet que produit sur moi, lectrice, le texte. Est-ce que le texte me surprend, me déroute, m’intrigue, m’émeut ? Quel plaisir me donne-t-il ? La réécriture, en tout cas, n’est pas nécessairement liée à ce que je veux, à ce que je pense.
On ne pourrait pas voir, dans Piano blanc (2011) par exemple (Paupières 1, 2, 3), différentes variations d’une même question poétique ? NICOLE BROSSARD Il y a la question des angles et aussi celle de la variation. Nous répétons constamment nos gestes, nos paroles, nos idées. Je crois que la numérotation rencontre en moi un plaisir de la classification, de l’illusion de la précision et ce au moment même où les dérives du coeur prennent d’assaut le poème.
J’aime aussi les chiffres, au même titre qu’une allée de palmiers ou de cyprès. Ils me donnent intrinsèquement du plaisir. Quant à Piano blanc, le recueil demeure encore pour moi une énigme.
Qui sait si Les Nuits ou Les Méditations ne nous révèleraient pas, elles aussi, un peu de cette complexité qu’à tout le moins je voudrais faire apparaître dans la poésie lyrique hugolienne77 ?
78 Jacques Seebacher constate déjà que « le poète est victime des anthologies » (Les Contemplations, o (…) 68Poésie du siècle, poésie personnelle, monument littéraire édifié dans le prolongement du romantisme, Les Contemplations se rattachent à la grande tradition de la poésie du moi qui, des Méditations aux Nuits en passant par les Consolations de Sainte-Beuve mettent en scène le poète.
Les fleurons du recueil de 1856, « Demain, dès l’aube », « À Villequier », « Melancholia », promis au florilège anthologique78 des plus beaux poèmes romantiques, confortent la piste d’une poésie personnelle nourrie de souvenirs. Plusieurs formules de la préface cultivent cet horizon d’attente, en plaçant le recueil sous le signe de l’écriture de soi.
, Paris, Garnier, 1947, t. I, p. 5. 69L’expression « les Mémoires d’une âme » gravée au fronton du recueil oriente a priori le lecteur vers le genre des Mémoires. Au siècle des révolutions, le terme est fortement connoté dans son double régime de narrativité et d’historicité. Il désigne en effet un récit de vie indissociable des événements politiques et des destinées collectives79. Les Mémoires impliquent la relation d’épisodes dont l’auteur fut l’acteur ou le témoin contemporain.