Comment finir dans un monde des rêves éternelles?
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— Ainsi le monde sensible est réel, solide, indépendant de notre conscience. Mais ce n’est pas la réalité unique, la réalité définitive. Puisque la veille ressemble au rêve en tous points, elle doit lui ressembler sur ce point : le réveil. Nous ne pouvons pas démontrer mathématiquement qu’il y aura un réveil : mais nous avons tout lieu de nous y attendre. Voilà ce que nous apprend la comparaison de la vie et du rêve.
Le rêve est une réalité, mais fugitive. De même, la vie actuelle est une réalité, mais provisoire. CAMILLE MELINAND.
Nulle part ne s’exprime plus lisiblement le mélange d’individualité et de conformité sociale dont est fait l’homme. Réunis sous les auspices de la revue Diogène et de l’université de Californie, dans un colloque qui s’est tenu à Royaumont, sociologues, ethnologues, mythologues, psychologues et physiologues ont entrepris une réflexion sur cet aspect objectif du rêve, dont les conclusions paraissent en un volume intitulé Je Rêve et les Sociétés humaines.
Cette dépossession du rêveur, nous la ressentons déjà lorsque nous voyons nos rêves apparaître clairement sous les oscillographes des électro-encéphalogrammes. Bien sûr ce ne sont pas les images elles-mêmes qui se trouvent dévoilées, mais l’activité onirique, grâce aux mouvements rapides des yeux qui l’accompagnent, le regard suivant à la volée les figures qui défilent dans notre esprit. Ainsi notre souvenir n’a plus le monopole de détecter nos rêves.
Les psycho-physiologues nous enseignent d’ailleurs que notre capacité à rêver dépasse de loin celle de notre mémoire. «
Cependant, je savais, même dans mon rêve, qu’elles étaient dans le tombeau depuis près de deux siècles. Mais toute celle pompe devait se dissoudre soudainement; à un claquement de mains, se faisaient entendre ces mots dont le son me remuait le cœur : Consul Romanus!
et immédiatement arrivait, balayant tout devant lui, magnifique dans son manteau de campagne, Paul-Emile ou Marius, entouré d’une compagnie de centurions, faisant hisser la tunique rouge au bout d’une lance, et suivi de l’effrayant hourra des légions romaines (1). » A une certaine époque, l’eau prit dans les rêves de Quincey la place qu’y avaient occupée (I) T. de Quincey. Les Tortures de l’opium, trad.
Bientôt, ces eaux calmes et tranquilles changèrent de caractère et les lacs transparents devinrent des mers et des océans, et sur les eaux mouvantes commença à se montrer le visage de l’homme : « La mer m’apparut, dit Quincey, pavée d’innombrables têtes tournées vers le ciel; des visages furieux, suppliants, désespérés, se mirent à danser à la surface, par milliers, par myriades, par générations, par siècles; mon agitation devint infinie et mon esprit bondit et roula comme les lames de l’Océan (1).
» Bientôt, ce fut la Chine, puis l’Inde, avec ses animaux étranges, ses monuments, ses rites, ses légendes, qui apparurent dans les rêves de Quincey.
Un Malais, qu’il avait vu quelque temps auparavant et qui était devenu un des hôtes habituels de ses songes, paraît avoir été l’introducteur, en quelque sorte, du rêveur dans ce monde qui va le faire souffrir en raison de son étrangeté même et d’une sorte de crainte, de répulsion, que Quincey avait toujours éprou- (1) Ouvrage cité.