Courrier international le graffeur qui peint des rêves?
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Ce sont des instantanés pris ça et là et accrochés aux parois, comme on le fait chez soi avec les photos souvenirs. Les thèmes sont extrêmement variés. Parfois ce sont des bribes de la vie quotidienne : la bibliothèque, le stade, le théâtre, le tramway, ou des épisodes tirés de l’histoire de la ville.
Par exemple, rue de la Martinière, sur la rive gauche de la Saône, une vingtaine de Lyonnais célèbres apparaissent aux fenêtres d’un immeuble de cinq étages. Parmi eux, Antoine de Saint-Exupéry et le physicien André-Marie Ampère, qui découvrit la loi de l’électromagnétisme. Sur le cours Gambetta les frères Lumière, inventeurs du cinématographe, ont ouvert le Ciné Lyon. Un mur de 500 mètres carrés présente leur caméra en pleine action.
La bibliothèque de la Cité, sur le quai Saint-Vincent, elle aussi, est fausse. Ce spectaculaire trompe-l’œil s’étale sur deux façades de quatre étages : devant chaque fenêtre sont empilés les livres d’auteurs célèbres. Personne ne se permettrait, par des graffitis ou des actes de vandalisme, d’outrager cette mémoire peinte. Les tagueurs eux-mêmes l’ont épargnée, une façon comme une autre de reconnaître sa valeur artistique.
Apprécié par les acteurs du département, il est régulièrement contacté pour des commandes et brosse en 2012 pour l’association montreuilloise Ni putes ni soumises une étonnante Jeanne d’Arc moderne entourée des portraits de Georges Sand, Marie Curie, Angela Davis… Le street-artiste fonde à Bagnolet avec d’autres graffeurs Kosmopolite, le premier festival international d’art urbain qui tournera ensuite dans les grandes villes européennes.
Reconnu au-delà de l’Hexagone, le muraliste a couvert de poésie l’entrée du Musée du chocolat de Bruxelles et vient de peindre une fascinante Danse des baleines sur les flancs d’un château d’eau à proximité de Tours.
Le montreuillois, qui avoue courir les bibliothèques pour imaginer ses compositions, apprécie l’effervescence du graff dans notre département : « Le 93 cherche à développer l’art urbain avec des appels à projet et une tolérance pour peindre sur certains murs de Montreuil et de Bagnolet ». Résultat : des street-art tours attirent régulièrement sur le territoire, des Parisien·ne·s avides de découvrir l’évolution de cet art.
La mise en couleur de ses travaux repose quant à elle sur une recherche de l’harmonie. Pour créer ses œuvres souvent de grandes dimensions, Reso s’inspire de son vécu, de ses expériences personnelles, tout en laissant une large place au geste et au mouvement. Très actif sur la scène internationale, l’artiste graffe lettrages, personnages et scènes réalistes, lui permettant de représenter l’humanité dans sa diversité.
Graffeur international, spécialiste du lettrage, Reso expose ses œuvres au Maroc, en Colombie, en Allemagne, en France mais également en Asie. Il organise les rencontres du graffiti sur les cinq continents, à l’appel des associations. ©Photographies Reso.
Cette peur des revenants est surmontée et les graffs de la révolution unifie le peuple, sans doute parce que ce dernier finit par designer les mêmes accusés. Ces créations artistiques deviennent un outil incontournable pour « dire l’événement » (Derrida, 2001) social. Calligraphie arabe ou latine, tags, graffs, dessins, etc. les outils sont variés et assujettis pour servir la cause sociale.
À croire Fanchon Deflaux, l’enjeu de la scène artistique ne se limite pas à la visée esthétique : les artistes expriment tant leur identité nationale que leur appartenance à un mouvement artistique ou leur démarche. Ainsi, tout concorde pour que les murs deviennent le médium par lequel les graffeurs racontent « la vie quotidienne des Libanais, des messages d’amour aux questions existentielles qui interpellent le passant et le font réfléchir » (Agenda culturel, 2012).
Sous les bombes de peinture, les murs prennent la parole pour exprimer les soucis sociaux, les frustrations, les colères, etc. partagés par tous les Libanais en les invitant, par le fait même, à s’unir autour des mêmes douleurs mais surtout à dialoguer et à transcender les frontières (Lambert et Trouche, 2009).
Interdiction d’accès à certains lieux réappropriés par la Thawra- Souk de Beyrouth et Bâtiment l’Œuf – cinéma du centre-ville de Beyrouth le 29 mai 2022 © Photos F. Calargé. 14Dans cette perspective, la mémoire collective devient un projet de co-construction des faits en temps réel autour duquel s’entraident tous les citoyens.