Antonin artaud un jour viendra où le rêve?
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Décrire un tableau de Van Gogh, à quoi bon ! Nulle description tentée par un autre ne pourra valoir le simple alignement d’objets naturels et de teintes auquel se livre Van Gogh lui-même, aussi grand écrivain que grand peintre et qui donne à propos de l’œuvre décrite l’impression de la plus abasourdissante authenticité.
(p. 61) La vie va se faire, les évènements vont se dérouler, les conflits spirituels se résoudre, et je n’y participerai pas, je n’ai rien à attendre ni du côté physique ni du côté moral. Pour moi c’est la douleur perpétuelle et l’ombre, la nuit de l’âme, et je n’ai pas une voix pour crier. Quand nous reverrons-nous ?
Le difficile est de bien trouver sa place et de retrouver la communication avec soi. Le tout dans une certaine floculation des choses, dans le rassemblement de toute cette pierrerie mentale autour d’un point qui est justement à trouver [..] CERTAINEMENT, L’INSPIRATION EXISTE.
« Quarto », (…) 6 Voir Antonin Artaud, « Je me souviens d’y avoir fait moi-même mon incarnation cette nuit-là, au lie (…) 1Dans la vaste production d’Antonin Artaud, jusqu’à la fin de sa vie, une question domine : celle de la conquête d’un corps, situé au cœur d’un projet douloureux et dévastateur faisant alterner l’irritation, la violence verbale et le rêve d’un corps sans organe1.
Le « poète interné2 » vit le drame de vouloir renaître à lui-même, en cherchant une nouvelle filiation et en tâchant de faire abstraction de sa chair mortifiée par la maladie et par les thérapies, jusqu’à caresser le rêve, toujours plus obsessionnel, d’abandonner son corps. Ses écrits, pendant les neuf années d’internement, le montrent occupé à cette tentative de faire éclater celui-ci pour le retrouver sous une autre forme.
Les poèmes et les textes issus de cette période regorgent de références à un corps dévoré de l’intérieur, affamé, et qui, malgré tout, est source de parole et de poésie. La seule manière d’exister pour Artaud, en asile, a été d’écrire pour disséquer sa souffrance.
Se concevant comme un mort et un vivant à la fois, il active un réseau d’images autour du vide, du manque et de la souffrance, jusqu’à atteindre l’obscène4. Il refuse l’idée de sa naissance et se considère comme un être auto-généré : « Moi, Antonin Artaud, je suis mon fils, mon père, ma mère // et moi5 ».
Peut-on, de nos jours, parler d’un acharnement thérapeutique certain contre Antonin Artaud ? Conviendrait-il de dissocier l’homme désocialisé et l’antisocial créateur, jugé inconscient pour avoir incarné le refus de ce qu’il appelait con-science, en butte au bon sens qu’il trouvait malade ?
« Il y a dans tout dément un génie incompris dont l’idée qui luisait dans sa tête fit peur » (Artaud, 2001: 51), écrivait-il, non sans se comparer à Van Gogh auquel il rendait hommage.
La peur de la société qu’il dénonce – la sortie de la poésie des tableaux, des livres, des scènes théâtrales – existerait-elle réellement ou serait-elle l’invention de l’esprit enflammé d’Artaud devenu, pour plusieurs de ses contemporains, l’« idiot sacré » (Roy, 1967 : 30) de la littérature et du théâtre français ?
Or cette réalité postiche « n’aurait pas dû exister » ; « condamnée d’avance », elle finirait par s’en aller, lit-on dans une lettre qu’il écrit à Arthur Adamov (Artaud, 1969 : 37).
Pour précipiter cette fausse vie dans le néant, Artaud décide de lui inoculer le théâtre; non pas celui basé sur l’illusion, mais celui auquel sera rendu « le rang de réalité » (Artaud, 2004 : 227) par l’extraction de cette dernière du fin fond des esprits où elle se trouve reléguée par la culture occidentale.
25 8 ALAIN VIfcMAUX exemples éloquents dans un numéro spécial des Cahiers du Mois (n° 16-17, 1925) : II me semble que la découverte du cinéma dans les temps modernes correspond à peu près à celle de l’imprimerie au XVe siècle (Dominique Braga). [Le cinéma] peut reculer le monde, sur la glissière des âges, jusqu’aux origines.
Ou ne le replace-t-il pas plutôt en marge du temps, à côté de Dieu, dans la fraîcheur de la Création ? (Jules Supervielle). Je veux vous dire que le cinéma est mon père. Je lui dois la vie et je l’aime. Le cinéma est la pilule Pink de la littérature ; il lui donne sang et pourpre (Joseph Delteil).
Dans les années 20, cette ferveur adorante, un peu délirante, est le fait de toute une génération d’artistes, mais touche principalement les poètes.