Comment un poème peut produire l’effet d’un rêve?
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La poétique du rêve n’inves- tit pas frontalement ces deux domaines connexes, logique et esthétique, puisque l’effet-rêve avalise au contraire d’une part un brouillage généralisé des frontières filmiques entre veille et sommeil, régime d’images réaliste et régime psychique, et d’autre part un mode d’analyse des œuvres en particulier et non du dispositif cinématographique en général. 9 Hellens Franz, Mélusine, Paris, Gallimard, 1952 (1921), p. II.
Pour persuader ainsi, la rhétorique ne suffit pas : il faut la force créatrice d’une poétique effectivement modelée sur le rêve, son travail, ses sensations. Nulle antinomie donc à conjoindre la part du spectateur, au sens rhétorique de l’effet, et celle du créateur dans une poétique qui se souvient de son étymologie grecque.
C’est au contraire un des traits caractéristiques de la fabrique onirique du film de penser la créativité filmique en fonction d’un maximum d’effet que seuls l’intensification et la figurabilité oniriques ainsi que les scénarios propres au rêve permettent d’atteindre. La poétique du rêve devient ainsi une forme de création modelée sur un référent nocturne insaisissable, dont certaines œuvres parviennent en effet à s’approcher, pour mieux reconfigurer l’expérience de l’homme ordinaire du cinéma.
D’autre part Diderot a été tenté d’assimiler la pensée consciente qui invente des relations nouvelles et les associations délirantes du rêve, auquel cas le rêve pourrait avoir une véritable fécondité intellectuelle. Cependant ne s’agit-il pas que d’une tentation favorisée par l’étendue sémantique du verbe « rêver » ? Ses réticences à l’égard de la capacité heuristique des rêves n’ont pas manqué.
À Hemsterhuis qui déclare « Dans les songes on découvre souvent des vérités géométriques, qu’on avait cherché en vain pendant ses veilles » Diderot répond : « Je ne crois pas qu’aucune découverte géométrique ait été faite en rêve ; ni qu’il s’en fasse jamais aucune ». La réponse a pour argument la nature pathologique du rêve : il est « un malaise, sinon une maladie »6.
Les récits de rêve des Bijoux indiscrets, les descriptions de tableaux en forme de rêve du Salon de 1765, du Salon de 1767, Le Rêve de D’Alembert permettent de parler d’une « poétique du rêve »7.
À partir de ces textes nous tenterons de voir comment la forme-rêve, avec son substrat physiologique, est une création susceptible de prendre en charge des éléments théoriques, de donner parfois une forme résolutoire idéale à l’indémontrable de la théorie et surtout de produire sa rhétorique persuasive. Elle cristallise théorie et vision de façon à susciter l’adhésion. 8 Léviathan, chapitre II, « De l’imagination ».
1Un ouvrage entièrement consacré à la place du rêve dans l’univers d’Henri Michaux manquait. L’intérêt de la démarche est d’aborder directement cette question importante en rassemblant les différents niveaux de l’œuvre qui s’y rattachent, sans pour autant s’attarder sur des questions déjà traitées dans l’importante bibliographie du poète. L’auteur propose un itinéraire allant du récit de rêve à l’élaboration progressive d’une écriture onirique, dont l’étude est développée selon un triple enjeu, esthétique, poétique et existentiel.
Ce fil directeur permet d’explorer « l’espace du dedans » de l’écriture poétique de Michaux en montrant que les expériences d’écriture, particulièrement diversifiées, et le travail pictural se nourrissent et se renouvellent à une source commune, qui naît d’un rapport paradoxal à la matière du rêve.
En effet, le poète ne cesse d’incriminer la pauvreté et le prosaïsme de ses rêves nocturnes, mais ce discrédit et de cette misère onirique, qui s’inscrit dans l’importance du peu et de la pauvreté chez Michauxii, aboutit à une extension du domaine du rêve dans un onirisme dilaté.
2Des années 1930 à 1950, le travail du texte se mêle à celui du rêve dont il fait son objet, avec une « apothéose onirique » en 1935 dans La Nuit remue.
La suite de l’œuvre est moins marquée par les récits de rêves mais on retrouve cette écriture onirique recherchant une magie du rêve dans les textes de jusqu’à l’écriture de l’exorcisme et les essais sur les drogues, en passant par les récits de voyages, réels ou imaginaires, et les peintures.
Le poète est donc presque un être supérieur, privilégié, doté du pouvoir de changer la vision des gens sur le monde. Rimbaud, dans sa Lettre à Paul Demeny, dit ainsi « Le Poète se fait voyant ». De même, dans Les Rayons et les Ombres, Victor Hugo assimile la poésie à un intermédiaire entre les hommes et Dieu : « Car la poésie est l’étoile/Qui mène à Dieu rois et pasteurs! ».
Jules Laforgue, dans le poème Intarissablement de ses Œuvres Complètes, s’intéresse à de grands problèmes encore irrésolus par l’humanité, tels que le sens de la vie et de la mort ou encore la puissance du temps. D’autres auteurs, comme Francis Ponge, se rapprochent du réel en décrivant des objets issus de la vie quotidienne, par exemple du pain, dans Le Parti pris des Choses.
Le poète crée un monde d’images, comme Baudelaire qui dans Les Fleurs du Mal décrit le poète comme un albatros. Dans Romance sans Paroles, Verlaine décrit des paysages embellis par l’utilisation d’images poétiques. Dans le recueil Illuminations, Rimbaud décrit des paysages insolites, une réalité transfigurée par le langage.