Ces toits de la cité qui font rêver d’éternité?
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Le soleil Le long du vieux faubourg, où pendent aux masures Les persiennes, abri des secrètes luxures, Quand le soleil cruel frappe à traits redoublés Sur la ville et les champs, sur les toits et les blés, Je vais m’exercer seul à ma fantasque escrime, Flairant dans tous les coins les hasards de la rime, Trébuchant sur les mots comme sur les pavés, Heurtant parfois des vers depuis longtemps rêvés.
Quand, ainsi qu’un poëte, il descend dans les villes, Il ennoblit le sort des choses les plus viles, Et s’introduit en roi, sans bruit et sans valets, Dans tous les hôpitaux et dans tous les palais.
À une mendiante rousse Blanche fille aux cheveux roux, Dont la robe par ses trous Laisse voir la pauvreté Et la beauté, Pour moi, poëte chétif, Ton jeune corps maladif, Plein de taches de rousseur, A sa douceur. Tu portes plus galamment Qu’une reine de roman Ses cothurnes de velours Tes sabots lourds.
II est doux, à travers les brumes, de voir naître L’étoile dans l’azur, la lampe à la fenêtre Les fleuves de charbon monter au firmament Et la lune verser son pâle enchantement. Je verrai les printemps, les étés, les automnes; Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones, Je fermerai partout portières et volets Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais.
Alors je rêverai des horizons bleuâtres, Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres, Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin, Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.
L’Émeute, tempêtant vainement à ma vitre, Ne fera pas lever mon front de mon pupitre; Car je serai plongé dans cette volupté D’évoquer le Printemps avec ma volonté, De tirer un soleil de mon coeur, et de faire De mes pensers brûlants une tiède atmosphère. Les Fleurs du Mal, édition de 1861. Vue de toits, effet de neige (Gustave Caillebotte). 1878. Paris, Musée d’Orsay.
À cette époque, c’est à la mode pour les artistes marginaux comme Baudelaire. Mansarde fait référence à la vie de bohème de l’auteur et à une position en hauteur qui surplombe Paris. – « émeutes » : fait référence à l’émeute de 1848 où les révolutionnaires manifestent contre le régime monarchique.
Baudelaire évoque toutes les saisons pour renforcer l’idée de constance et de perpétuel. On voit aussi une coupure avec l’hiver qui apparaît comme la saison privilégiée, c’est une période d’isolement qui permet une concentration totale sur le projet poétique. L’évocation spatiale est très présente : v2 v3 v5 v6 v7 v8 v9 v10. En effet, en tout lieu, en tout temps, le projet poétique doit s’accomplir.
Élément du décor pour évoquer un lieu précis : métonymie.
Paysage
Landschaft
Les deux mains au menton, du haut de ma mansarde, Je verrai l’atelier qui chante et qui bavarde; Les tuyaux, les clochers, ces mâts de la cité, Et les grands ciels qui font rêver d’éternité.
Dann werd ich vom Sims meiner luftigen Kammer Überm Werkvolk wie’s schwätzet und singet beim Hammer Auf Turm und Schlot, die Masten von Paris Und die Himmel hinaussehn, mein Traumparadies.
Je verrai les printemps, les étés, les automnes; Et quand viendra l’hiver aux neiges monotones, Je fermerai partout portières et volets Pour bâtir dans la nuit mes féeriques palais. Alors je rêverai des horizons bleuâtres, Des jardins, des jets d’eau pleurant dans les albâtres, Des baisers, des oiseaux chantant soir et matin, Et tout ce que l’Idylle a de plus enfantin.