Comment le poéte passe-t il de la réalité au rêve?
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Marc EIGELDINGER Baudelaire et le rêve maîtrisé Si le fameux rêve que Baudelaire rapporte à Charles Asselineau dans sa lettre du 13 mars 1856 a particulièrement retenu l’attention de la critique, en revanche la problématique et le phénomène du songe dans l’œuvre du poète n’ont que rarement fait l’objet d’une étude, en tant qu’ils supposent l’élaboration d’une poétique et une application de cette poétique *.
Comme l’amour et la mort, le rêve est ambivalent, à la fois bénéfique et maléfique, au regard de Baudelaire; il correspond à une hantise et une curiosité, associées au sentiment de la distance, à une préoccupation invincible, mêlée à cette méfiance que le poète éprouve à l’égard des puissances de l’obscur, qui échappent au contrôle de la lucidité.
Il constitue un univers spécifique, issu des frimas et du climat nébuleux du Nord, une sphère opaque et ténébreuse dans laquelle le romantisme s’est complu.
1Réalité rêvée ou vécue, rêve réalisé ou inassouvi, rêve et réalité étroitement conjoints : ces termes apparemment antithétiques renvoient à des domaines considérés, a priori, comme distincts, discontinus, bien que non nécessairement exclusifs l’un de l’autre. Dans son traitement littéraire, le réel fait plus appel à l’intellect qu’à l’imagination alors que le rêve, privilège de la poésie, alimente abondamment la fiction.
Ce qui conduit à se demander si la principale ambition du poète ne serait pas de chercher à concilier ce qui, emprunté à l’un, peut, sous l’effet magique de son inspiration, contribuer à l’existence ou à l’élargissement de l’autre, en donnant l’impression qu’il crée cet autre univers, souvent qualifié d’irréel et synonyme d’imaginaire. Le créateur ne serait-il pas d’abord, consciemment ou non, un emprunteur et un maître en métamorphose ?
La création poétique se présente alors non seulement comme une évasion, mais comme une entreprise de transformation. 1 Il y reviendra dans ses entretiens avec J. Amrouche : « […] je m’étais abandonné complètement à mo (…) 2 Dès 1916, Claudel juge avec une sévère clairvoyance l’œuvre de 1906, parlant de déchaînement à pro (…) 3 Pr., p. 1416, La Poésie au xixe siècle.
L’oeuvre met imaginairement en acte l’esprit de conjectures qu’appelaient les Pensées sur l’interprétation de la nature et par sa représentation tente de créer l’atmosphère nécessaire à son développement réel. La poétique du rêve s’accomplit dans une rhétorique. 22L’ancrage physiologique du rêve, sa corporéisation, correspond chez Diderot à une sortie du dualisme cartésien. Ce sont des corps qui rêvent, de la matière sensible qui rêve.
Le rêve en l’être pensant effectue des liaisons inattendues qui sont peut-être des intuitions de génie. Ce « peut-être » que maintient en suspension la pensée rationnelle de Diderot est organisateur du Rêve de D’Alembert. Les maîtres mots de l’ouvrage ne sont-ils pas : « qui sait ? » et « pourquoi non ? ». La rhétorique du rêve, sa vivacité, son énergie communicative se chargent de faire le reste.
Ce qui peut être advient dans le texte pour mieux advenir dans la conscience du lecteur. Ainsi, chez Diderot, le rêve en poésie s’avère un vecteur de propagation de la pensée ou plus justement une stimulation de la capacité à sentir et penser.